6 Juillet 2024
Comme des plantes
Non contents de se multiplier en se fractionnant, certains animaux sont capables de bourgeonner ; curieuse manifestation en vérité qu’on croyait jusqu’ici réservée aux plantes. C’est encore les animaux de structure primitive qui bénéficie de ce formidable privilège : l’hydre d’eau douce.
En certaines périodes de l’année, alors que les conditions climatiques sont particulièrement favorables, de petites boursouflures çà et là sur le pied de l’animal. Chacune des hernies s’allonge et l’on peut voir bientôt pointer à leur extrémité de fins tentacules entourant une bouche : il s’agit d’hydres filles formées par bourgeonnement. Quand elles sont suffisamment développées, ces hydres filles se détachent de leur mère dont elles quittent le giron pour bourgeonner à leur tour un peu plus loin.
Observée sur trois années en laboratoire, une hydre a émis plus de 700 bourgeons sans montrer la moindre fatigue : elle était à la fin de l’observation tout aussi jeune qu’au début, et se montrait aussi active que la plus récente de ses filles. Dans des conditions particulièrement favorables, une hydre bien nourrie forme jusqu’à 20 bourgeons par mois ; cet animal est donc capable d’élaborer une quantité phénoménale de matière vivante. Quelle vigueur surnaturelle anime constamment cette créature par ailleurs si grêle ?
Pour comprendre cela, il nous faut pénétrer plus avant dans le mystère ; au niveau de la bouche et des tentacules existe une zone où les multiplications cellulaires sont intenses : au fur et à mesure que l’animal grandit par le haut, il s’use par la base. L’hydre que nous observons un jour n’est plus tout à fait celle que nous avions vue quelques semaines auparavant car toutes ses cellules furent progressivement remplacées dans ce laps de temps. Quel rapport avec le bourgeonnement ?
Quand le rythme de multiplication des cellules est juste suffisant pour compenser l’usure, l’animal reste unique ; dès que les conditions sont meilleures, en revanche, la plus grosse partie des cellules nouvellement formées est absorbée par le phénomène de bourgeonnement. Le constant renouvellement des cellules de l’hydre permet de conclure à l’immortalité (du moins théorique) de l’animal en tant qu’individu ; le bourgeonnement, quant à lui, conséquence d’une débordante activité, assure l’immortalité de l’espèce. L’hydre d’eau douce est bien l’animal fabuleux (l’hydre de Lerne) dont nous parle la mythologie.
N’oublions pas cependant que, tout compte fait, cette extraordinaire reproduction par bourgeonnement ne diffère pas fondamentalement de la scissiparité.
- Dans un cas il y a fractionnement d’un organisme puis régénération des parties manquantes ; c’est la scissiparité ;
- Dans l’autre, la régénération précède la séparation : c’est le bourgeonnement
Les différences entre les deux phénomènes sont d’ailleurs souvent très ténues et les biologistes eux-mêmes ne s’y retrouvent pas toujours facilement.
Aussi déconcertantes que soient les hydres dans leurs aptitudes à se reproduire, elles ne sont pas seules à bourgeonner :
- Les méduses que les zoologistes placent à leur voisinage en systématique ;
- Les éponges que nous avons précédemment évoquées en sont également capables. Certaines de ces éponges d’ailleurs fabriquent des bourgeons qui restent à l’état embryonnaire et passent l’hiver en vie ralentie comme de véritables graines. Ces bourgeons d’un type spécial, nommés gemmules, germent au printemps pour redonner des éponges parfaitement semblables à l’animal souche dont elle se sont détachées.
- Les annélides enfin sont légion qui pratiquent le bourgeonnement ; chez un ver du genre naïs, par exemple, la partie postérieure du corps se différence en un nouvel individu qui se détache de la souche. Cette dernière retrouve rapidement sa longueur primitive et continue à bourgeonner d’autres vers sans le moindre épuisement apparent