14 Août 2024
Intrigués par les étonnantes facultés dont jouissent les invertébrés que nous avons vu les articles précédents, les biologistes ne sont pas restés inactifs. Afin de percer le mystère, ils ont fait des expériences dont voici les plus spectaculaires.
La première fut réalisée en 1907 par Wilson avec une éponge ; l’animal fut coupé en menus morceaux, puis véritablement broyé. La purée cellulaire ainsi obtenue fut tamisée au travers d’une soie à bluter aux mailles extrêmement fines. Les cellules filtrées furent enfin recueillies dans l’eau.
Peu de temps après les cellules se regroupèrent en amas dont chacun redonna une éponge ! L’explication de l’extraordinaire phénomène ne fut donnée que plus tard.
Bien que dissociées, les cellules de l’éponge font preuve d’une grande affinité les unes pour les autres. En fonction de leur nature, elles commencent par se regrouper pour former des tissus ; dans un deuxième temps, ce sont les tissus qui se réorganisent de manière à reformer une éponge.
Nous ne savons toujours pas quelles forces guident les cellules puis les tissus dans leur regroupement ; cela ne nous empêche pas d’apprécier les exploits des éponges. Bien qu’il s’agisse davantage d’une réorganisation que d’une régénération, nous ne sommes plus surpris de voir se développer des éponges à partir de simples cubes découpés dans l’animal : de quoi ne seraient elles pas capables ?
Tout aussi stupéfiantes sont les expériences pratiqués sur les planaires. Si on effectue une section du ver selon son plan de symétrie, la partie gauche régénère une partie droite, la droite une partie gauche ! Sans problème, nous obtenons deux animaux semblables à celui qu’on a sectionné ; précisons toutefois que l’opération se déroule sur plusieurs semaines ! Si maintenant nous coupons transversalement l’animal en plusieurs fragments, chaque tranche régénère soit une queue, soit une tête, soit l’une et l’autre de ces parties selon les cas ! Curieux animaux en vérité que ces planaires !
Un tel comportement mérite explication. On sait actuellement que la transformation d’un morceau de planaire en un animal complet constitue une véritable métamorphose : pendant que se forment des organes nouveaux, certains organes contenus dans le fragment se désagrègent, exactement comme dans une larve d’insecte qui se transforme en adulte. Certains tissus du fragment servent à l’édification des tissus correspondants de l’individu régénéré ; la plus grande partie des organes nouveaux provient de cellules particulières, véritables cellules embryonnaires qui ont refusé de vieillir et sont restées aptes à redonner n’importe quel tissu.
Aussi longtemps que le corps de l’animal conserve son intégrité, ces cellules restent en sommeil. En revanche, dès que l’animal est fragmenté, qu’il s’agisse de section expérimentale ou de lacération spontanée, ces cellules se réveillent et se multiplient activement. C’est l’amputation qui stimule les potentialités constructives des cellules restées embryonnaires.
Chez tous les invertébrés capables de se multiplier, soit par scissiparité, soit par bourgeonnement, existe ce stock de cellules absolument neuves qui n’attendent que le feu vert pour se multiplier. C’est dans la persistance de ce stock chez l’animal adulte que résident essentiellement ces fameux phénomènes magiques que sont régénération et reproduction asexuée.