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Un pouvoir inégalement partagé

Régénération et reproduction asexuée sont deux phénomènes étroitement liés ; ils le sont à telle enseigne qu’on peut estimer les possibilités pour un animal de se reproduire sans le secours de la sexualité, à ses aptitudes à la régénération. Restons pourtant prudents, car s’il est vrai que tout animal susceptible de multiplication asexuée est capable de régénération, la réciproque n’est pas toujours vérifiée, loin de là.

Voyons maintenant comment se présente le problème chez les vertébrés.

- Les poissons que l’on ampute sont capables de régénérer leurs nageoires, leurs mâchoires, leurs écailles et leurs opercules.

- Les batraciens que sont salamandres et tritons régénèrent les membres, la queue, les yeux ou la mâchoire dont on les a privés – Les grenouilles par contre sont incapable d’une régénération aussi importante : c’est tout juste si les têtards parviennent à reformer leur queue.

- Chez les reptiles, seuls les lézards sont susceptibles de régénérer leur queue après ablation ; on sait d’ailleurs que ces animaux provoquent eux-mêmes par réflexe cette amputation, lorsqu’ils sont saisis par un ennemi. Notons aussi que la queue qui repousse n’a pas tout à fait la même structure que la première et que les membres sectionnés ne réapparaissent jamais.

- Oiseaux et mammifères enfin sont les plus mal lotis. La régénération se réduit chez eux à la réparation de certains tissus tels que tissus osseux, glandulaires, épidermiques, ou au remplacement des phanères disparus : poils, ongles, plumes.

On voit donc que plus on s’élève dans l’arbre généalogique des animaux, plus le pouvoir de régénération s’affaiblit : encore relativement important chez les poissons, il est ridiculement réduit chez les oiseaux et les mammifères. Allant de pair avec ces maigres possibilités de régénération, la reproduction asexuée est tout bonnement inexistante chez les vertébrés adultes : nous sommes loin des éponges, des hydres ou des annélides !

Tout ceci s’explique par le fait que les invertébrés les plus primitifs conservent à l’état adulte un important stock de cellules embryonnaires capables d’intervenir à tout moment dans la réparation des amputations ou dans la reproduction asexuée. Au fur et à mesure qu’on se rapproche des animaux les plus évolués, des vertébrés en particulier, ce stock se réduit comme une peau de chagrin et ne permet finalement plus que la réparation de dégâts mineurs. Les animaux dits supérieurs épuisent la presque totalité des potentialités de leurs cellules au cours de l’édification de leur organisme.

Remarquons au passage que les extraordinaires facultés que nous évoquons diminuent non seulement en raison inverse du degré de spécialisation acquis par l’organisme adulte mais aussi avec le degré d’avancement de l’édification de cet organisme.

En effet, si les vertébrés supérieurs adultes se voient rigoureusement interdire la reproduction asexuée, leurs œufs gardent cette possibilité jusqu’à un certain niveau d’organisation. On a déjà vu ce qu’était la polyembryonie avec les tatous et l’on sait expérimentalement produire le phénomène chez la plupart des vertébrés, mammifères compris. Obtenir deux souris à partir d’un seul œuf est presque un jeu d’enfant pour les spécialistes de la question : ils savent fragmenter le tout jeune embryon au bon endroit et au bon moment. Passé un certain stade d’organisation, cette même opération aboutit à la formation de deux moitié d’embryon.

Alors que les animaux très primitifs capables de régénération permanente sont théoriquement immortels et susceptibles de rester éternellement jeunes (hydres), les animaux supérieurement organisés ont déjà utilisé la presque totalité des potentialités de leurs cellules quand ils viennent au monde. De ce fait, ils naissent déjà vieux d’un certain point de vue, et sont en tout cas condamnés à une mort irrémédiable, faute d’avoir sur préserver un stock suffisant de cellules de rechange ! L’impossibilité dans laquelle ils sont de se reproduire sans le secours de la sexualité à l’état adulte peut être considéré comme la rançon du haut degré d’évolution qu’ils ont atteint.

La planaire, cet étrange ver aux coloris délicats, se divise en deux, la partie postérieure régénérant la partie antérieure, et réciproquement. Le planaire, un petit ver plat de quelques centimètres de long, est capable de survivre à n'importe quelle blessure ou irradiation... pourvu qu'il lui reste une seule cellule-souche qui, à elle seule, peut régénérer tous les tissus lésés.

Mais jusqu'à présent, on ignorait si les néoblastes, ces cellules à partir desquelles le planaire se régénère, étaient constitués d'une seule population de cellules, capables de donner n'importe quel tissu, ou si, au contraire, il existait plusieurs types de néoblastes régénérant chacun des tissus différents. L'expérience de Peter Reddien et de ses collègues du Howard-Hughes Medical institute (États-unis) a montré que la première hypothèse était la bonne. Après avoir irradié une planaire, les biologistes lui ont gréffé un seul néoblaste, qui au bout de quelques jours seulement, a permis de régénérer la totalité des tissus. "Notre prochain objectif sera de comprendre les mécanismes moléculaires qui confèrent à ces cellules leurs remarquables capacités de régénération, puis de les comparer à ceux des cellules souches humaines adultes dont les capacités de régénérations sont moindres", conclut Peter Reddien.

 

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