30 Octobre 2024
Ah ! Qu’il faisait bon, dehors dans cette campagne ! C'était l'été, une cane, assise là, sur son nid couvait consciencieusement ses canetons ; pourtant elle commençait à en avoir assez, car cela durait depuis quelque temps déjà.
Soudain les œufs craquèrent, les oisillons brisaient leur coquille en sortant la tête l’un après l’autre. Cependant, un œuf ne voulait pas se percer. C’était le plus gros d’entre tous. La cane soupira et se résigna à attendre ; elle se recoucha pour tenir cet œuf bien au chaud sous son ventre. Enfin le gros œuf creva et un étrange petit canard apparut. Il était grand, tout dégingandé et terriblement laid. La cane le regarda fixement et elle dit :
- Voilà un caneton vraiment différent, aucun des autres ne lui ressemble, il est gris et si gros ! Mais qu’importe !
Elle prit ses petits sous son aile, et tous ensemble partirent faire une promenade sur le lac.
Le lendemain, il fit un temps délicieux alors, la mère cane vint présenter la nouvelle famille à tous les animaux de la basse-cour ; mais lorsque ceux-ci s’aperçurent de la différence du dernier venu, les réactions ne se firent pas attendre.
- Celui-là, nous n'en voulons pas ! Et aussitôt une cane lui mordit le cou.
- Laisse-le tranquille, dit la mère, il ne fait de mal à personne.
- Non peut être, dit la cane qui avait mordu, mais il est trop grand et trop laid.
- Il n'est pas beau, mais il a bon caractère, et il nage magnifiquement bien. Il est resté trop longtemps dans son œuf, voilà pourquoi il est si gros.
Hélas le pauvre vilain caneton fut mordu, bousculé, nargué toute la journée, et ce fut de pire en pire ensuite. Le pauvre petit fut pourchassé par tout le monde, même ses frères et sœurs le rejetaient. Un jour, sa mère lui dit :
- Je voudrais que tu sois bien loin mon chéri !
Alors le vilain petit canard s'envola par-dessus la haie et parvint cahin-caha au grand marais habité par les canards sauvages. Il se cacha dans un coin et il y passa toute la nuit, très las et très triste.
Le matin, les canards sauvages l’aperçurent.
- Quelle sorte d'oiseau es-tu ?
Le caneton se tourna de tous les côtés, et répondit en bégayant :
- Je, je, je suis un canard !!
- Aaah ! Tu es vraiment laid, dirent les canards sauvages. Mais ça nous est égal, pourvu que tu ne te maries pas dans notre famille.
Soudain, au-dessus d'eux, on entendit : Pif, paf ! Et deux canards sauvages tombèrent raides morts. Pif, paf résonna de nouveau. C'était une grande chasse. Le vilain petit canard effrayé tourna la tête pour la cacher sous son aile, quand soudain, un grand chien terrible surgit devant lui. Le chien approcha sa gueule, montra ses crocs pointus et... tourna les talons sans se préoccuper du petit caneton.
- Oh ! Dieu merci, soupira le vilain petit canard, je suis si laid que même le chien ne veut pas me mordre.
L'automne arriva, les feuilles devinrent jaunes et le vent s'en empara pour les faire danser. Le vilain petit canard passait tout son temps à chercher une famille voulant bien l’accueillir, mais les animaux le dédaignaient toujours à cause de sa laideur. Puis, l'hiver arriva qui fut extrêmement froid ; le caneton devait tout le temps nager pour empêcher l’eau de geler complètement autour de lui ; mais à la fin, complètement épuisé, il ne bougea plus, et fut prisonnier de la glace. Le matin, de bonne heure, un paysan le vit, brisa la glace, et l'emporta chez lui pour le ranimer. Lorsqu’il se réveilla, les enfants voulurent jouer avec lui, mais apeuré, il se sauva et se cacha parmi des buissons couverts de neige. Il y resta tout l’hiver, attendant patiemment que l’air se réchauffe pour pouvoir repartir. Petit à petit, l’air fut plus doux, les oiseaux se mirent à chanter et le soleil devint de plus en plus présent. Le printemps arrivait ; cependant le vilain petit canard était toujours tout seul. Un jour, droit devant lui, s'avancèrent trois beaux cygnes qui ébrouaient leurs ailes et nageaient légèrement dans l’onde pure d’un étang. En voyant ces magnifiques bêtes, il fut pris d'une étrange tristesse.
- Je vais voler vers vous, oiseaux royaux, et vous me massacrerez, parce que j'ose m'approcher. Moi ! Le vilain petit canard.
En un coup d’aile, il s’éleva au-dessus de l’étang et se dirigea vers les superbes voiliers. Les trois oiseaux l'aperçurent, se retournèrent et accoururent vers lui à grands coups d'ailes en rasant les flots.
- Tuez-moi si vous voulez ! dit le vilain petit canard.
Il pencha la tête sur la surface de l'eau, attendant le choc et sa mort certaine... mais, il n’en crut pas ses yeux, quelle surprise en voyant son reflet ! Il vit qu’il était devenu lui-même un cygne. Il en perdit le contrôle de son vol et tomba violemment dans les profondeurs de l’étang. Quand il rouvrit les yeux, les grands cygnes nageaient autour de lui et le caressaient tendrement avec leurs becs. Alors ses plumes se gonflèrent, son cou se dressa et heureux comme jamais, il comprit enfin tout son bonheur d’avoir retrouvé sa vraie famille.